"Communiqué de l'Épiphanie" (06.01.2016)

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Église, communautés et ministères

 

Après une quarantaine d’années de parcours partagé (7 congrès internationaux, 7 congrès latino-américains, et beaucoup d’autres au plan national), le mouvement international des prêtres mariés dans sa configuration actuelle, c’est-à-dire la Fédération latino-américaine et la Fédération européenne, a tenu un Congrès à Guadarrama (Madrid, Espagne) sur le thème "Prêtres dans des communautés adultes"; nous y avons décidé de publier une déclaration à tout le Peuple de Dieu.

 

À tout le Peuple de Dieu

 

Nous venons de célébrer le 50e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II; et les espoirs et les engagements semés par cet événement historique nous ont encouragés à offrir une fois de plus notre expérience et notre réflexion en tant que mouvement ecclésial et en tant que membres de la communauté universelle des croyants en Jésus de Nazareth.

À l’origine, notre revendication concernait la liberté de choix du célibat pour les prêtres de l’Église catholique d’Occident : une liberté qui devrait être reconnue et respectée non seulement parce que c’est un droit humain, mais aussi parce qu’elle est plus fidèle au message libérateur de Jésus et à la pratique millénaire des Églises, et parce qu’elle rencontrerait le droit des communautés d’avoir les ministres dont elles ont besoin et dont elles manquent aujourd’hui.

Mais notre parcours en tant que collectif a élargi cette perspective initiale centrée sur le célibat, pour aller plus loin et souhaiter un type de prêtre non-clérical et un modèle d’Église qui ne repose pas sur une prêtrise exclusivement masculine, célibataire et cléricale.

Au cours de ces longues années, qui débouchent aujourd'hui sur cette déclaration, nous nous sommes intégrés, avec simplicité et fidélité, dans de nombreux groupes et communautés, et nous nous y sommes engagés, cherchant à donner un sens chrétien à nos vies et à aider nos compagnes et compagnons de route à découvrir leur dignité en tant qu’êtres humains et en tant qu’enfants de Dieu notre Père et notre Mère. 

 

C’est au départ de ces engagements que nous voulons affirmer ce qui suit.

 

1.Nous sommes convaincus – et nous sommes d’accord en cela avec d'autres communautés et mouvements d’Église, paroissiaux ou non – que le modèle dominant et répandu du christianisme est obsolète; et bien loin d’aider à la mise en œuvre du Règne de Dieu et de sa justice, il est souvent un obstacle pour vivre les valeurs évangéliques.  Un nouveau modèle d’Église et de communautés est urgent pour être en mesure de rencontrer valablement les défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui.

2. Le cœur de ce nouveau modèle d'église doit être la communauté, la vie communautaire des croyants en Jésus. Sans ces groupes vivants qui partagent leur vie et leur foi, en essayant de découvrir le Règne de Dieu et de le vivre, il n'y a pas d'église. Et nous ne pouvons ignorer que la plupart des structures paroissiales sont plus des distributeurs de service religieux et cultuel que des communautés vivantes.

3. Pour que l’Église et les communautés de croyants soient véritablement des assemblées actives dans le Peuple de Dieu, il faut un changement de structure ; les simples changements personnels ne suffisent pas. L’inertie des siècles (État du Vatican, curie, lois et traditions…) agit comme un poids mort et empêche tout changement de progrès.

4. Nos itinéraires nous ont permis d’expérimenter que le moteur de cette transformation se situe dans les communautés elles-mêmes: seules des communautés adultes, matures, peuvent mener à bien cette transformation structurelle nécessaire et urgente. La structure actuelle surtout centrée sur la paroisse et sur le culte ne peut que perpétuer l’immobilisme et permettre de simples changements de forme sans aborder le fond.

5. Mais nous avons aussi compris et expérimenté que les prêtres – qu’ils soient célibataires ou non : ce n’est pas ici la question – ne pouvaient pas continuer à tout concentrer sur leur personne et à prétendre assumer toutes les tâches et responsabilités. Leur identité même et la qualité de leur service imposent une évolution vers plus de partage et vers un pluralisme des modèles en fonction et en dépendance des communautés concrètes. 

6. Ces communautés adultes existent déjà, elles sont parfois ignorées ou persécutées, mais il faut les encourager. Ce sont de petites communautés à taille humaine dont les membres vivent l’égalité, la coresponsabilité, la fraternité et la solidarité. Nous devons continuer à nous battre pour ce type de communautés, parfaitement acceptables au sein d’un pluralisme de modèles ecclésiaux.

7. Cette maturité leur permet de s’adapter aux besoins sociaux et culturels de notre monde en mutation, de vivre et de formuler la foi d’une manière différente et de s’organiser de l’intérieur à partir de leurs besoins. Ces communautés sont libres et exercent la liberté des enfants de Dieu; elles ne sont pas tournées vers le passé. Leur référence n’est pas l’obéissance, mais la créativité à partir de la foi. Et c’est pour cela qu’elles peuvent être entendues dans nos sociétés.

8. Dans cette même optique, la condition des femmes est d’autant plus contradictoire et injuste : majoritaires dans la vie de l’église, elles n’y partagent pas les tâches d’enseignement, de responsabilité ni de gouvernance. Il n’y a aucune raison de poursuivre cette discrimination qui implique d’ailleurs aussi la perte d’un potentiel humain irremplaçable. On peut aussi raisonnablement espérer que leur présence rendrait les structures d’animation et de gouvernement meilleures, plus justes et plus équilibrées.

9. Et enfin,  il faut donner à ces communautés le droit de choisir et de confier les tâches et les ministères à des personnes qu’elles considèrent comme préparées et jugées aptes à cela, sans distinction de sexe ou de statut. Qu’elles puissent ainsi devenir toujours plus des communautés ouvertes, inclusives, dans le pluralisme et le respect mutuel.

 

Nous avons trouvé des communautés de ce genre et nous y participons. Elles ne sont pas un rêve mais une réalité, malgré leurs défauts. Et nous sommes déterminés à continuer à nous battre chaque jour pour qu’elles soient plus nombreuses et authentiques.

Ce chemin n’est pas facile. Nous sommes conscients que les engagements que nous prenons peuvent faire problème : nous frôlons parfois l’illégalité ; mais ce n’est pas du caprice ou de l’arbitraire ; nous savons bien que la vie passe souvent avant les règlementations et que l’Esprit n’est pas soumis à la loi.

Les défis d’aujourd’hui nous obligent à ouvrir des chemins de dialogue et de rencontre ; et dans ces domaines qui ont un tel besoin de changement, à être créatifs, à reconnaître et à promouvoir le rôle premier des communautés et à réaliser ainsi les intuitions et les déclarations de Vatican II : une vie fraternelle, solidaire, œcuménique, engagée pour la paix et la justice avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté… Elles nous ont donné une telle espérance avant d’être remises au placard comme dangereuses, et elles retrouvent aujourd’hui avec le pape François toute leur actualité et leur pertinence dans notre Église.

Nous invitons tous les croyants en Jésus à être courageux et à avancer sur ces chemins de créativité et de liberté pour rendre chaque jour plus réel l’Évangile de la miséricorde et de la responsabilité pour les êtres humains et pour notre Mère la Terre.

 

Le 6 janvier 2016, fête de l’Épiphanie

 

Informations complémentaires via le site web de la Fédération Européenne des Prêtres Catholiques Mariés : www.pretresmaries.eu

Le Congrès susmentionné a été l’occasion de présenter un ouvrage collectif de 400 pages sur le même sujet Prêtres dans des communautés adultes, en préparation depuis deux ans et publié le 1er novembre 2015. Voir document joint.

En Belgique, on s’adressera à l’a.s.b.l. HORS-LES-MURS : www.hors-les-murs.be et aux contacts qui y sont mentionnés.

Pierre Collet, chemin Barbette 3, 1404 Bornival – 067 210 285 ou 0471 368 147 pierrecollet@hotmail.com